Cette exposition, présentée aux Galeries nationales du Grand Palais pendant plus de trois mois, a rencontré un succès exemplaire pour une manifestation consacrée aux arts décoratifs, avec près de 200.000 visiteurs.
Quel est, depuis les années soixante et le choc postmoderne des années quatre-vingt, le sens du mot « design » ? « Design contre design » s’interroge en confrontant objets et meubles de l’environnement domestique, conçus de la révolution industrielle à nos jours. L’exposition dessine des parallèles, juxtapose, propose des courts-circuits temporels destinés à créer la surprise et à instaurer un dialogue entre les choses.
La forme
L’exposition débute par des rapprochements formels : droite et géométrie ; courbe et biomorphisme ; jeux autour de la forme qui conduisent au déséquilibre, au difforme ou à l’informe. Un escalier-tabouret de bibliothèque (Escalier de bibliothèque pour Karl Wittgenstein, Josef Hoffmann, 1903) joue avec une œuvre de Sol Lewitt, un canapé (Sofa Danhauser, 1825) répond à une chaise longue en carton ondulé (Bubbles, Frank Owen Gehry, 1979). Cet _ échange permet de s’interroger sur les rapports entre formes et techniques. Le visiteur découvre ainsi que Thonet a dessiné ses premières chaises, devenues nos fameuses « chaises bistrot », pour un salon néo-rococo ; que le fauteuil dit « Wassily » de Marcel Breuer (Fauteuil Ti la, 1925) doit davantage sa forme aux phantasmes nomades de la bicyclette et de la chaise de camping du XIXe siècle qu’à un « bon design».
Le contexte
L’exposition s’intéresse ensuite aux influences du contexte sur la création industrielle. Comment l’objet prend-il corps au contact de son environnement, lorsqu’il se confronte à l’être humain qui l’utilise d’un côté, à la nature prise sous ses diverses formes de l’autre ? De « La Donna » de Gaetano Pesce à la Chaise fantôme de Roger Tallon, l’objet devient un double, un partenaire. Les végétaux offrent leurs lignes ou prêtent leur image. Les animaux se laissent domestiquer pour devenir bars, consoles et sièges. Des grottes baroques aux tapis de Piero Gilardi, le minéral s’introduit nous reliant à nos ancêtres, les « Flintstone ». L’objet, récupéré depuis Marcel Duchamp, contribue aussi à la création. Des fauteuils russes de 1880 aux accumulations des frères Campana, l’objet industriel ou le rebut connaît une nouvelle vie.
L’architecture
Des meubles architecturés aux meubles coques, la différence s’établit entre l’objet qui s’inspire de l’architecture et celui qui se veut architecture. Cabinets classiques de Fornassetti et Tours d’Ettore Sottsass, « Coucher de soleil sur Manhattan » de Gaetano Pesce se jouent des proportions et de nos fantasmes de Gulliver. Mais, dès que le siège devient coque, que le canapé se replie sur lui-même, se crée une enveloppe qui nous protège. Le siège coque Biedermeier, la sphère d’Eero Aarnio ou le lit clos des frères Bouroullec dessinent ainsi une tendance vers l’habitacle, partagée par nombre d’artistes ou d’architectes contemporains.
Les styles
Temps de respiration, les rotondes qui articulent l’exposition évoquent la persistance des styles occidentaux ou exotiques autour de quelques pièces phares comme le bureau Cinderella de Jeroen Verhoeven, le radiateur en rinceaux de béton de Joris Laarman ou le canapé éclaté de Robert Stadler.
Trois pièces monumentales ancrent le parcours : Iceberg, un banc de Zaha Hadid, The Wonb House, la chambre utérus de l’atelier Van Lieshout, et Phantasy Landscape, une « Visiona » de Verner Panton.